Elle commence vraiment à me gonfler, la maladie de Lyme. Enfin, pas la maladie elle-même, ni les personnes qui en souffrent, mais la psychose que d’aucuns entretiennent vis-à-vis de la bactérie Borrélia et de ses vecteurs, les tiques. Il y a quelques semaines, lors d’une promenade-jogging à la campagne, j’entraîne ma petite famille à me suivre dans un sentier tapissé de hautes herbes. Derrière, ma fille cadette de 13 ans stoppe net et me crie qu’elle ne veut pas aller plus loin « parce qu’elle n’a pas de pantalon et qu’elle ne veut pas se faire piquer par une tique ». Encore bien que le sentier en question était un cul-de-sac et que nous avons rebroussé chemin, car j’aurais été capable de botter le cul de mon ado pour qu’elle me suive malgré ses jambes nues ! Si même ma progéniture a peur de se balader dans la nature, c’est que la paranoïa ambiante atteint des sommets d’absurdité…
Car ça commence à bien faire. Depuis quelques années, on assiste à une véritable « hystérie de Lyme » qui fait les choux gras des médias et qui fait un tabac en librairie. Selon les « lanceurs d’alerte », la borréliose serait une maladie en pleine expansion et beaucoup plus répandue qu’on ne le croyait jusqu’ici. Les infections seraient légion et il y aurait des millions de malades ignorant leur état. Les autorités nous cacheraient l’ampleur de l’épidémie et feraient tout pour étouffer cette urgence de santé publique. Pour rappel, ce sont en bonne partie des journaux et des sites de médecine naturelle qui ont orchestré ce grand mouvement de panique. À plusieurs reprises, j’ai réagi à ces manœuvres et expliqué pourquoi je les trouvais infondées. Plutôt que me répéter, je vous invite à relire deux textes que j’ai naguère publiés dans Néosanté Hebdo. Le premier http://www.neosante.eu/newsletter/lettre_hebdo/newsLetterHebdo20130417.html est déjà une réaction courroucée à la « phobie de Lyme ». Le second http://www.neosante.eu/newsletter/lettre_hebdo/newsLetterHebdo20130424.html
dénonce encore plus vertement ce que j’ai appelé le « traquenard des infections froides ». Ces deux articles m’ont valu beaucoup d’inimitiés, mais je ne retire rien de ce que j’ai écrit en 2013 : pour moi, la menace est très exagérée, la prévalence de la maladie est très probablement surévaluée et la responsabilité de la bactérie totalement surestimée. Nuance cependant : je ne nie pas que la population des arachnides porteurs de Borrélia soit en croissance et donc que les piqûres de tiques soient plus nombreuses que jadis. Il est par conséquent probable que les authentiques maladies de Lyme soient en augmentation. Pour les raisons évoquées dans mes billets d’humeur, je persiste néanmoins à penser que la hantise actuelle est sans proportion avec le danger réel. Au risque de me faire encore des ennemis, je me positionne en la matière beaucoup plus près de la médecine classique – qui rassure et tempère – que des médecines alternatives qui affolent, appellent à la lutte bactéricide et crient haro sur les tiques.
Je viens par exemple de lire un bouquin qui va sortir à la rentrée : son auteure, docteur vétérinaire et praticienne de multiples médecines douces, y expose d’abord son propre cas clinique qui laisse songeur. Elle se dit atteinte de Lyme, mais le tableau symptomatique qu’elle brosse pourrait renvoyer à beaucoup d’autres diagnostics. À l’instar de la spasmophilie ou de la fibromyalgie, la maladie de Lyme est clairement devenue une affection « fourre-tout » permettant d’étiqueter diverses formes de mal-être. Secundo, la véto prétendument alternative s’enferre dans un discours pasteurien ultra-orthodoxe : elle recourt aux plantes, aux huiles essentielles et à d’autres remèdes « doux », mais elle désigne la bactérie comme principale coupable de sa pathologie et avoue d’ailleurs avoir suivi maintes cures d’antibiotiques. Enfin, et c’est surtout ça qui m’indispose, la victime-vétérinaire en rajoute une couche dans la psychose. Pour elle, on n’informe pas assez la population sur « les méfaits de la redoutable bactérie » et il faudrait multiplier les panneaux avertissant de la présence de tiques. Et de chanter les louanges de la Suisse où les promeneurs ont désormais pour consigne de s’équiper de guêtres arrosées de produits répulsifs…
C’est ça, le monde que les malades appellent de leurs vœux ? Un monde angoissé où nos enfants devraient se méfier en permanence des biotopes naturels ? Une société biocidaire engagée dans une lutte à mort contre les acariens et les microbes qu’ils véhiculent ? La crainte et les cris d’alarme sont d’autant plus irrationnels qu’on sait déjà que le remède sera pire que le mal. L‘hystérie de Lyme est en passe de relancer la (sur)consommation d’antibiotiques, laquelle va à son tour aggraver le phénomène de biorésistance et perturber davantage l’écologie microcosmique. Tous ces résidus de médicaments vont se retrouver dans l’eau qu’on boit et les aliments qu’on mange. Cercle vicieux oblige, la chimie antivie nuira encore plus à la flore intestinale dépositaire de la santé immunitaire, et cette fragilité induite rendra encore plus vulnérable aux super bactéries. Bref, en traitant les vrais et les faux malades de Lyme, on se prépare une belle pagaille iatrogène et une hécatombe nosocomiale !
Ce qui me désole au plus haut point, c’est que la paranoïa anti-Lyme participe du paradigme médical officiel, selon lequel la cause d’une maladie est forcément d’ordre matériel. En l’espèce, l’origine des troubles serait le microbe véhiculé par le parasite. Je ne lis jamais nulle part que la maladie de Lyme ne frappe pas par hasard et que sa genèse pourrait se situer dans le vécu psycho-émotionnel de ses victimes. Or, je suis totalement convaincu qu’il en est ainsi : les personnes piquées par les tiques et la faible minorité d’entre elles qui en pâtissent ne sont pas n’importe qui ! Dans le mensuel Néosanté, nous avons publié une proposition de décodage de la maladie de Lyme http://www.neosante.eu/la-maladie-de-lyme-ou-qui-me-suce-le-sang/
À la suite de cette publication, plusieurs médecins et thérapeutes nous ont fait savoir qu’ils partageaient cette analyse : chez leurs patient(e)s, il y a toujours des conflits sous roche ! Mieux : j’ai entamé récemment un dialogue avec une spécialiste belge des maladies à vecteurs, docteur en sciences, qui est abonnée à Néosanté ; tout en affirmant la réalité de l’épidémie et le rôle nuisible du Borrélia, celle-ci est également convaincue que la borréliose ne prospère pas sur n’importe quel terrain. Persuadée de la dimension psychosomatique de la maladie, elle collabore d’ailleurs avec des psychothérapeutes qui investiguent les chocs traumatiques ayant précédé l’infection. Elle m’a proposé une « collaboration positive » pour rapprocher nos points de vue et je suis évidemment partant pour aller de l’avant et décrypter plus précisément le sens de la « mal-a-dit » de l’âme qu’on appelle maladie de Lyme. Vous serez bien sûr tenus au courant de nos échanges, d’ores et déjà enrichissants.
Yves Rasir
PS : La semaine dernière, ma « lettre à Laura » a suscité beaucoup de réactions. De nombreux lecteurs y insistaient pour être informés en cas de contact entre Laura et moi. Il va évidemment de soi que pareille suite ferait l’objet d’une nouvelle infolettre. Jusqu’à présent, malheureusement, ma « bouteille à la mer » n’a pas été débouchée. Dans mon journal de ce matin, j’apprends cependant que la notion de « souffrance inapaisable » suscite la controverse chez les psys. Il y a un début de débat. Quand ils vont lire que, selon un membre de la commission qui contrôle l’euthanasie en Belgique, « Il ne fait pas de doute que les médecins qui attestent d’une telle souffrance dans le cas d’une maladie psychique aient effectivement envisagé toutes les solutions thérapeutiques », j’imagine que certains thérapeutes vont encore réagir à ce mensonge éhonté. Quel est, en effet, le toubib qui peut se vanter d’avoir tout tenté, sinon un fieffé menteur, un fou mégalomane ou un ignare prétentieux ? De fil en aiguille, le message va peut-être passer qu’il existe des centaines d’approches différentes et inexplorées. Et il est donc à espérer que Laura en soit informée….