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Néosanté hebdo
mercredi 30 avril 2014

Je n’aime pas (trop) l’homéopathie (II)

portrait de Yves RasirComme je l’avais pressenti, mon billet de la semaine dernière a suscité beaucoup de réactions.  Quelques unes me félicitent d’ « avoir osé dire ce que beaucoup pensent tout bas », mais la plupart expriment un sentiment de surprise et de déception : « Pourquoi critiquer l’homéopathie alors que ça marche  si bien ? ». Et mes correspondants d’énumérer tous les succès remportés sur leurs maladies grâce à la médecine des hautes dilutions. Aussi dois-je absolument, pour entamer ce deuxième volet,  dissiper un grand malentendu : je ne doute pas une seconde que l’homéopathie suscite de très nombreuses guérisons.   Mon scepticisme ne porte pas du tout sur ce phénomène incontestable, mais bien  sur le lien de causalité entre le remède et son action thérapeutique. Autrement dit, je mets en doute que le granule, en tant que tel, soit supérieur en efficacité à un médicament dépourvu de toute substance active.  Quand elles sont réalisées avec une méthodologie rigoureuse, c’est-à-dire en double aveugle contre placebo,  les études scientifiques ne montrent d’ailleurs aucune différence. Cette absence d’action pharmacologique  explique que de très nombreuses personnes n’enregistrent aucune amélioration de leur état de santé en s’adressant à un médecin homéopathe. Mais ça explique aussi que l’homéopathie fonctionne parfois à merveille !  Je vous propose à présent d’éclairer ce paradoxe à la lueur de mon expérience personnelle de la médecine hahnemannienne.

Celle-ci remonte à mon adolescence. Comme je le raconte dans l’édito de la dernière revue Néosanté (mai 2014),  j’ai en effet un lourd passé médical derrière moi.  Ce qui manque encore dans la liste, c’est que j’ai développé dès le plus jeûne âge de sévères allergies se manifestant par la rhinite chronique, l’asthme et  l’eczéma atopique.  Je peux dire que ces trois affections ont empoisonné toute mon enfance et qu’ils faisaient toujours de moi un jeune homme fragile et souffreteux   Bien sûr, les traitements conventionnels à base de corticoïdes et d’antihistaminiques atténuaient quelque peu les symptômes. Mais au-delà de ce soulagement éphémère, la médecine classique  ne pouvait rien pour moi. Assez ouverts  d’esprit, mes parents m’ont donc amené chez un homéopathe de grande réputation. Un vrai de vrai, un authentique disciple d’Hahnemann en quête du remède unique,  un convaincu formé à bonne école,  et pas un des ces  allopathes « granulothérapeutes » comme il en existe beaucoup de nos jours.  Pour mes allergies, ce praticien chevronné m’a suivi pendant près de deux ans et m’a prescrit plusieurs remèdes différents à différentes dilutions. À part une aggravation de mes symptômes, qu’il a interprétée dans un premier temps comme un bon signe, ce médecin homéopathe n’a jamais rien obtenu et a bien dû s’avouer vaincu en confessant son impuissance.  C’est seulement des années plus tard, lorsque j’ai découvert la naturopathie, puis l’instinctothérapie et l’alimentation hypotoxique, que je me suis débarrassé de mes pathologies allergiques.  Ce qu’aucun granule n’était parvenu à faire, je l’ai  réussi par le seul changement de mes habitudes alimentaires. Aujourd’hui, ni les pollens, ni les acariens, ni les poils d’aucun animal n’affolent plus mon système immunitaire.  Mon rhume des foins quasiment permanent, mes irritations cutanées  perpétuelles et  mes crises d’asthmes récurrentes ne sont plus  que de lointains souvenirs.  A peine  en perçois-je de timides réminiscences lorsqu’il m’arrive – très rarement – de consommer beaucoup de gluten ou de lait de vache.  Bref, je pense que tous les homéos devraient s’initier au régime paléo, ou en tout cas prendre conscience que l’aliment est le premier médicament auquel songer.  Qu’ils soient, d’abord et avant tout, des disciples  d’Hippocrate !

Malgré mes premiers déboires, j’ai pourtant continué à fréquenter des cabinets d’homéopathes. Lorsque j’ai souffert de lumbagos à répétition, épisode de ma vie que je vous ai déjà raconté (édito du Néosanté n° 24), l’homéopathie est une des approches que j’ai expérimentée sans le moindre succès. C’est la chiropraxie et le message ventral qui m’ont sorti de là.  Plus tard, j’ai encore consulté un homéopathe très en vue à Bruxelles lorsque je me suis découvert un syndrome sec, ou en tout cas une sécheresse oculaire récidivante qui dégénérait souvent en conjonctivite. Ses prescriptions ne m’ont rien apporté, au contraire de la bonne habitude, prise peu après, de me supplémenter en acides gras Oméga-3.  Pour un problème  intime touchant ma sexualité, j’ai également sollicité un homéopathe belge très réputé. Après un long « scanning » de mes symptômes et de leur chronologie, ce dernier croyait mordicus avoir trouvé LE remède qui allait bouleverser ma vie.  J’ai traversé la Wallonie pour aller chercher une souche homéopathique très spéciale qu’un pharmacien préparait clandestinement à très haute dilution, une « 100 000 K » si je me rappelle bien.  Selon la doxa homéopathique, la force d’un remède peut en effet être multipliée à mesure qu’on le dilue et le secoue.  Avec ma dose unique hyperdiluée, j’avais dans les mains une petite bombe qui allait pulvériser  les barrières psychiques me séparant de la guérison. Et alors ? Et alors, rien. Nothing. Niets. Nada. Que dalle.  Je n’ai absolument rien ressenti et cela n’a rien changé de tout à ma problématique. L’homéopathie ne m’a même pas procuré un frémissement d’effet placebo ! Idem encore tout récemment, fin de l’année dernière.  Lorsque je vous ai fait part de mon accident sportif  qui m’a valu une assez lourde commotion cérébrale, plusieurs lecteurs de Néosanté Hebdo m’ont aimablement suggéré un remède homéopathique censé m’aider à « digérer » le choc.  Et de vive voix, plusieurs médecins homéopathes  de mes amis m’ont également renseigné le remède qui,  d‘après eux, devait résoudre mes principales séquelles,  à savoir d’épouvantables vertiges et d’atroces névralgies faciales.  J’ai collecté tous ces avis et j’ai pris les trois remèdes qui revenaient le plus souvent, que j’ai pris dans les dilutions conseillées. Et alors ? Vous devinez la suite….

A la décharge de l’homéopathie, ce n’est pas la seule approche qui n’a aucunement amélioré mes symptômes post-commotionnels. J’ai aussi testé sans résultat plusieurs élixirs floraux (dont le fameux « Rescue »), la médecine chinoise et une variante d’acupuncture avec laser. A ma grande surprise, même l’ostéopathie crânienne et la chiropraxie ne m’ont pas aidé à aller mieux.  Pour les vertiges, c’est la kinésithérapie vestibulaire (branche de la kiné centrée sur l’oreille interne et sa fonction d’équilibre) qui m’a progressivement permis de sortir du tunnel.  Et pour les névralgies, j’ai trouvé le salut dans une thérapie alternative encore peu connue mais qui a « marché » au-delà de mes espérances.  Je ne vous dis pas son nom maintenant, car je n’ai pas encore assez de recul pour apprécier son efficacité dans la durée. Mais ce que je peux déjà dire, c’est qu’une seule séance a effacé des mois de souffrances alors que l’homéopathie ne me faisait rien. Chez moi, j’en ai maintenant la certitude empirique, l’effet du granule est totalement nul.

Mais je comprends parfaitement qu’il puisse en aller tout autrement !   Avec mes trois filles, l’homéopathie a remarquablement fonctionné pour les petits maux et bobos de l’enfance.  Avec les deux premières, nées à vingt mois de distance, j’ai consenti à suivre les conseils de la pédiatre homéopathe. Mon épouse se sentait rassurée par la présence de ces flacons sur lesquels étaient inscrites les indications. Mais pour notre troisième fille, née neuf ans plus tard,  la pharmacie familiale était bien vide et   les inscriptions s’étaient effacées. Qu’importe,  j’ai montré à ma femme que nous pouvions « soigner » la cadette en piochant  au petit bonheur la chance dans ce qu’il restait de granules périmés.  Donnée par des parents aimants et  confiants, n’importe quelle boule de sucre fait des miracles ! Parfois,  pour rire, on remplaçait le remède par un bonbon à la menthe et on s’amusait à observer la guérison spectaculaire d’une douleur gastrique ou d’un mal de tête.  C’est vraiment magique, la placebothérapie !
Ce qui marche très bien aussi , c’est la « riendutouthérapie », ce que le naturopathe André Passebecq appelait « la paix thérapeutique » : on arrête de manger, on laisse agir la fièvre, on ne prend aucun remède, et attend que la nature  fasse le boulot.  Pour les maladies infectieuses bénignes,  par exemple, c’est incroyablement efficace ! C’est pourquoi les études comparant un remède homéopathique avec un médicament  allopathique n’ont absolument aucune valeur. C’est avec « rien du tout » qu’il faut organiser la comparaison. Un jour, dans un colloque,  j’ai entendu le célèbre professeur Axel Khan expliquer pourquoi les otites de la petite enfance  étaient quasiment la seule pathologie  pour laquelle l’homéopathie était sans conteste supérieure à la médecine classique : quand il vient au monde, l’oreille du bébé n’est pas encore achevée sur le plan immunitaire ;   son immunité auriculaire s’installe progressivement grâce aux rencontres avec les microbes. Aussi le Pr Khan avait-il  plaidé qu’il ne fallait surtout pas donner des antibiotiques aux enfants déclarant leurs premières otites ! De la part d’un toubib s’en prenant violemment à l’homéopathie, j’avoue que ce brillant plaidoyer pour la naturopathie m’avait assez épaté.

Mais bien sûr, le détracteur d’Hahnemann ne renouait que très partiellement avec son serment d’Hippocrate : ce qu’il disait à propos des otites, il aurait pu l’élargir à beaucoup d’autres maladies : ce qui marche vraiment, c’est le souci de ne pas nuire,  la volonté de ne pas interférer avec la « nature guérisseuse », bref le renoncement à l’interventionnisme médical !  C’est notamment parce qu’elle adhère à cette sagesse hippocratique que l’homéopathie – malgré tout ce que j’en dis – conserve toute ma sympathie.  Et j’ai encore d’autres raisons d’en penser du bien.  C’est la semaine prochaine,  dans le troisième volet de cet édito en trois temps,  que je vais lancer les fleurs après avoir lancé les pots.

D’ici là, je vous propose un exercice pratique : achetez n’importe quel remède homéopathique dans n’importe quelle dilution  et gardez-le sous la main pour le refiler à un parent de jeune enfant et ou à un propriétaire d’animal en les assurant de ses prodigieuses vertus. Je prends les paris que vos talents thaumaturgiques  seront rapidement reconnus !  Bien évidemment, contentez-vous de jouer les homéothérapeutes pour des troubles  bénins et ne prenez pas le risque de fourguer vos granules en cas de maladie grave. De toute façon,  quand il s’agit de cancer ou de toute autre pathologie vraiment sérieuse,   la médecine des semblables  déclare forfait. Là, on n’est plus  dans le paradoxe mais dans la contradiction : pourquoi diable les remèdes infinitésimaux ne peuvent-ils manifestement rien contre les vrais fléaux tandis qu’ils seraient salutaires pour les petits ennuis de santé ?  Si vous avez la clé de ce mystère,  je vous lirai avec plaisir. En revanche, ne me bombardez plus de témoignages sur vos heureuses expériences avec l’homéopathie : à mes yeux, les fabuleux pouvoirs de l’effet placebo n’ont plus besoin d’être vantés.

Yves Rasir

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