LA PRISE DE RISQUE (I) Pourquoi vit-on dangereusement ?

Freud a écrit :« La vie est appauvrie, elle perd de son attrait lorsque la vie elle-même, degré suprême du jeu de la vie, ne peut plus être risquée. » Ce à quoi je me permettrai d’ajouter : « A condition que ce risque-là soit bien le mien, qu’il ne soit pas le fruit de l’inconscient familial au nom duquel il me faille tout sacrifier. Que ce risque ne provienne pas du vécu ou des frustrations de mes ancêtres, quand bien même seraient-ils les plus glorieux ou quand bien même n’auraient-ils pas pu accomplir les vies dont ils rêvaient. » Ce qui fait à mon sens une grande différence.

Programmation inconsciente

C’est bien beau de vivre sa vie à travers des prises de risques intenses mais, lorsqu’on comprend qu’il s’agit d’une programmation inconsciente, cela devient nettement moins passionnant. On peut alors avoir la chance de comprendre que cette quête provenait juste de la place qu’on occupait dans l’échiquier familial.
Mais il y a plusieurs voies d’accès à la prise de risque (celle-ci peut du reste s’apparenter à une quête d’autodestruction : ce n’est pas seulement pratiquer le parapente, le parachute, la plongée ou la spéléologie, ce peut être se droguer, boire plus que de raison, conduire trop vite…). J’en compte 4 principales. Si quelqu’un vient me voir pour comprendre le « pourquoi » de sa prise de risque, voilà comment je balaierais les choses pour tenter de décrypter l’origine de son
« problème » :

1) L’enfant non désiré :
Première question à se poser : y-a-t-il eu un désir de mort de l’un ou l’autre des parents ou des deux sur l’enfant ? Si la réponse est oui, ma dette risque fort de consister à disparaitre pour réparer « l’inconvénient de ma naissance », comme aurait pu le dire Cioran. Après un travail sur soi, il sera fort intéressant de prendre ses parents à part et de leur poser la question : « sans trop réfléchir, dis-moi en une phrase ce que tu as ressenti quand tu as appris que tu allais avoir un enfant, que mon processus était enclenché ? »

2) Les mémoires transgénérationnelles
La personne qui hérite d’un lien privilégié avec un ancêtre qui a accompli ou subi quelque chose de terrible, d’indicible (faillite ou déshonneur retentissant, prison, camp de concentration, traumatisme issu de la guerre, viol, meurtre, infanticide…) peut également hériter d’une aptitude à la prise de risque (ou d’une maladie fulgurante ou d’un accident) qui a des « chances » de se manifester juste avant l’âge qu’avait cet ancêtre au moment des faits. Exemple : Jean pratique un métier à risque. Il a connu un très grave accident à 38 ans, son frère aîné également ainsi que son père. Son grand-père paternel avait abandonné toute sa famille au même âge. Jean, ainsi que certains de ses prédécesseurs, porte la mémoire destructrice d’un ancêtre ayant commis un viol à l’âge de 39 ans.

3) Le deuil non fait
Lorsqu’un deuil n’a pu être réalisé, cela peut conduire ceux qui héritent de la mission à vouloir maintenir à tout prix le lien avec le
« cher disparu ». Cela peut les amener à vouloir se rapprocher du ciel, le royaume des morts (alpinisme, aviation), ce qui peut les « obliger » à prendre des risques et à mourir accidentellement à leur tour, entretenant ainsi la flamme toxique du deuil non fait dans le clan familial. On notera que les enfants de remplacement (nés après un enfant mort à la naissance ou en bas âge) héritent très souvent d’une pulsion de mort les conduisant parfois à rejoindre parfois prématurément le mort à qui ils doivent la vie (suicide, drogue, alcoolisme, alpinisme, aviation…). Pour eux et leurs parents, il est souvent vital de réaliser leur deuil « enfin » !

4) Un vécu traumatique
Notre vécu est souvent issu de nos mémoires familiales, particulièrement de celles spécifiques dont nous avons hérité, et aussi de la place que nous occupons dans l’échiquier familial. Pour être clair, dans ce que l’on doit bien appeler le « jeu de massacre transgénérationnel », un homme qui fait subir des attouchements à son fils ou sa sœur a souvent lui-même subi la même chose ou a récupéré une mémoire négative de cet ordre. Si un secret de famille se noue à ce moment-là, si la parole de la victime est déniée, rejetée (« tu as rêvé, il ne s’est rien passé du tout. »), alors il y a de grandes chances qu’un destin défavorable se crée rapidement. La victime se trouvera alors propulsée vers des abîmes de mal-être qui pourra également la conduire, à l’autodestruction, la prise de risque ou le suicide.

Se sentir de trop

Seul le point un sera développé dans ce double article : les enfants non désirés ou la tentative souvent désespérée de rembourser la dette de non-amour
Il peut s’agir d’une véritable programmation de mort au nom de loyautés familiales invisibles. Cela me touche d’autant plus qu’il s’agit de mon histoire personnelle. Après 25 années à courir la planète pour ouvrir de grandes parois rocheuses ou descendre des itinéraires en ski extrême, j’ai fini par découvrir le « pot aux roses » ! Et quoi de plus tragique en effet que de succomber à ce genre de programmation sans avoir eu accès à la notice de désamorçage de la bombe à retardement ? Pour survivre, un enfant qui a posé un énorme problème à son clan familial dès sa naissance devra impérativement élever son niveau de conscience afin de parvenir à dépasser son impérieuse quête d’autodestruction.

L’exemple d’Alain

J’ai noté dans mon expérience que parmi les jumeaux ou triplés et autres, apparait souvent le prénom Alain. C’est pourquoi, lorsque des jumeaux débarquent dans une fratrie sans prévenir, celui qui sera considéré comme « en trop » se verra souvent désigner par ces cinq lettres : Alain. Sans lui, c’eut été tellement préférable. Des jumeaux, c’est donc lui qui deviendra l’enfant difficile. C’est lui qui sera conduit à prendre le plus de risques, en conduisant vite par exemple, en se droguant ou en adoptant une profession à risque. Je connais 4 histoires qui illustrent exactement ce cas de figure. Dans deux d’entre elles, des accidents improbables ont entraîné la mort d’un Alain avant 30 ans. Dans l’une d’entre elles, où il s’agissait même de triplés naturels, celui des trois qui se prénommait Alain était de très loin celui qui prenait le plus de risques.

Enseignement

En mourant de manière prématurée, violente ou accidentelle, Alain rembourse sa dette. Il satisfait celui ou celle qui ne voulait pas consciemment de lui. C’est rigoureusement la même histoire qu’un Thierry ou un Didier, un Désiré qui « parviendrait » à mourir dans un accident improbable. C’est pourquoi, je pense profondément que tout Thierry, tout Didier, tout Alain, tout Baptiste (cf symbolique des prénoms) qui prend des risques inconsidérés dans son existence devrait se poser la question du sens de sa trajectoire de vie, afin de ne pas mourir au nom de loyautés familiales négatives.

Emmanuel Ratouis

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