L’appendicite

ou la ré-vision de l’histoire familiale

Derrière son aspect banal, l’appendicite cache des aspects à la fois dangereux et profonds. Le côté dangereux est bien connu de la médecine et justifie une attitude interventionniste pour éviter le risque de péritonite appendiculaire. Mais elle porte aussi, au niveau symbolique, un sens caché familial très important.

Qu’est-ce que l’appendice ?

L’appendicite est une inflammation de l’appendice, lequel est une sorte de bout d’intestin en cul-de-sac, qui se trouve à la jonction de l’intestin grêle et du gros intestin. C’est surtout un groupe de ganglions lymphatiques. Les ganglions font partie du système lymphatique, ce sont des tours de garde qui identifient ce qui est étranger, pour nous aider à constituer notre immunité et notre identité ( avec les globules blancs et les anticorps). Globalement, au début de la digestion, les aliments traversent la gorge et son anneau de ganglions lymphatiques (amygdales, végétations), puis, tout au long du tube digestif, des cellules lymphatiques poursuivent la surveillance. Lors du passage dans votre intestin grêle, vous choisissez quelles molécules extérieures vous décidez d’absorber. Ce tri se fait toujours sous la surveillance du système lymphatique.

Nouveau regard

Cela se termine par le passage au niveau de l’appendice. Nous pouvons donc dire que l’appendice résume et clôture notre rencontre avec l’extérieur. L’extérieur, c’est le monde. Et pour un enfant, le monde c’est avant tout sa famille. La crise d’appendice se produit quand l’être, souvent enfant et parfois adulte, regarde et relit son histoire familiale, et porte dessus un regard nouveau, souvent différent de l’espérance naïve du petit. C’est la période où, consciemment ou pas, nous commençons à prendre du recul et à porter un regard critique sur ce que nous avons reçu. Le but en est l’intégration, autrement dit la “di-gestion”. Un petit détail peut avoir déclenché cette prise de conscience. Certains ont parlé d’un “conflit d’argent de poche”, mais l’argent de poche est une des premières formes d’autonomie. Parfois, c’est un divorce, le sien ou celui des parents. De prime abord, le déclenchement peut paraître difficile à trouver, mais en y regardant bien , il est rare que cela ne finisse pas par paraître évident.

Une souffrance morale majeure

Une crise d’appendicite n’est jamais quelque chose d’anodin. Elle peut prendre des formes plus ou moins graves. Jadis, il n’était pas rare de voir des appendicites tourner à la péritonite, qui menaçait rapidement la vie. Certains vieux chirurgiens racontent avoir vu des situations où “tout était pourri” en très peu de temps. Ces situations sont actuellement exceptionnelles, et ce résultat est à mettre au crédit des antibiotiques et de la chirurgie moderne. Cependant, il faut accorder la plus grande attention à des appendicites tournant à la péritonite, même si ce n’est qu’un tout petit début, et même si aujourd’hui on peut les soigner plus facilement. Cela traduit des situations de véritable explosion, ou plûtot d’implosion d’un conflit familial, et de souffrance morale majeure, pas forcément consciente. Les maladies en général sont liées avec la non-conscience d’une difficulté. Elles ont l’avantage de résoudre le problème sans que nous ayons besoin de tout comprendre. Le niveau de conscience est variable selon les individus, mais aussi selon le type des maladies. Par exemple, le lien entre mal d’estomac et stress est souvent bien perçu et accepté. Pour d’autres maladies, ce lien est moins reconnu spontanément. J’ai appelé ces situations “maladie de la non-conscience” ( voir par exemple la sciatique dans mon livre “Histoires de vies”). La crise d’appendicite est souvent dans ce cas.

Premier exemple

Catherine et Véronique sont deux soeurs de 18 et 20 ans. Leurs parents ont divorcé il y a plus de dix ans. “Classiquement”, les filles vivent avec la maman et vont voir leur papa un week-end sur deux. Le père se trouve un peu éloigné de fait, et la maman exerce seule la parentalité au quotidien. Tout cela est habituel et tout le monde trouve ça normal. Puis, les filles ont leurs premières expériences amoureuses. Et en prenant conscience de certains aspects relationnels, elle commencent à relire l’histoire et la position de chacun de leurs deux parents. Elles font presque ensemble une “crise” psychologique. La plus jeune finit par revoir cela de façon positive. Elle fait une crise d’appendicite qui, après oprétaion, restera sans suite. L’aînée prend les choses beaucoup plus mal, et sent le besoin de régler certains comptes avec ses parents. Elle fait, presque en même temps que sa soeur, une crise d’appendicite, mais celle-ci secomplique d’un abcès, puis d’une fistulle illéo-colique ( qui réalise une forme de déviation pour contourner la zone de l’appendice). Les niveaux de somatisation traduisent le vécu de chacune des soeurs.

Deuxième exemple

Marc est un petit garçon de 8 ans. Dans une situation apparemment bonne, il déclenche une crise d’appendicite qui est rapidement et proprement opérée. On ne peut, de prime abord, repérer qu’une petite difficulté passagère à l’école quelques jours avant le début des douleurs. Banal. Dans la nuit qui suit l’opération, il fait une forme de délire avec désir de fuir, cauchemars et propos très agressifs envers sa famille, où il vit pourtant apparemment heureux. Il arrache ses perfusions et est rattrapé dans les couloirs. Le tout est mis sur le compte de la réaction à l’anesthésie, même si cela est assez inhabituel. Puis, il continue son chemin de fils de parents parfaits. Ce n’est que bien plus tard, après des années de dépression et de thérapie, qu’il remettra en cause la perfection familiale. Apprenant la symbolique de la crise d’appendicite, il réalisera que son corps lui avait, 40 ans plus tôt, donné le message.

Troisième exemple

Brigitte fait, à 40 ans, une dépression sévère à la suite d’un conflit professionnel. Après réflexion, elle réalise que ce conflit est la répétition d’une situation d’enfance où elle n’a pas pu s’affirmer. Elle finit par prendre, face à sa famille, des positions plus claires et franches. Dans la foulée, son propre fils, comme libéré, parvient aussi à s’affirmer davantage. Mère et fils font une crise d’appendicite à quelques mois d’intervalle.

Passage difficile

D’autres cas montrent que les appendicites tardives chez les adultes sembleraient plutôt correspondre à des problèmes transgénérationnels anciens, ou à des secrets que le sujet ne souhaite pas, volontairement ou non, aborder ou regarder. De façon générale, chacun doit, à un moment ou un autre, intégrer ce qu’il a vécu. Il est probable qu’à cette période, et pour tout le monde, cela se traduise par une réaction douloureuse appendiculaire exprimant ce passage. La crise d’appendicite traduit une phase d’intégration plus laborieuse.

Dr Olivier Soulier

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