LE PHÉOCHROMOCYTOME ou le combat des Titans

Après avoir abordé les corticosurrénales dans un précédent numéro de Néosanté (n° 17), essayons maintenant de comprendre le message que nous envoie la maladie de la médullosurrénale : le phéochromocytome. L’étude de cette maladie plutôt rare a surtout pour intérêt de nous faire comprendre le sens de nombreux symptômes, et comment le couple système nerveux / système glandulaire peut s’associer pour créer une adaptation parfaite à une agression.

Approche physiologique

La médullosurrénale comprend des cellules productrices d’hormones (cellules chromaffines). Elles reçoivent une innervation directe du système nerveux sympathique qui les stimule par l’intermédiaire d’hormones telles que l’adrénaline et la noradrénaline. En réponse, la glande médullosurrénale sécrète à son tour les mêmes hormones (principalement de l’adrénaline) pour obtenir une réaction d’adaptation au stress plus forte et surtout plus longue. Elles sont à l’origine d’une importante réaction de lutte ou de fuite et permettent à l’organisme de mobiliser toute son énergie pour faire face au danger.

Le conflit biologique

Gérard Athias l’a baptisé « le conflit des titans » ou « le conflit du dernier combat ». Pour le comprendre, mettons-nous dans la peau d’un animal qui est face à un prédateur décidé à nous poursuivre jusqu’à la mort. Il faudra alors « vaincre ou mourir ». La maladie qui exprime ce conflit est le phéochromocytome. Il s’agit d’une tumeur de la médullosurrénale qui aboutit à une libération importante de catécholamines (les hormones du stress) et à un cortège de symptômes auxquels nous allons tenter de donner un sens.
Imaginons donc que vous êtes dans la jungle poursuivi par un tigre affamé. S’il surgit devant vous, il faudra, en un instant, faire face en mobilisant en vous des forces surhumaines. C’est pourquoi, chez un patient atteint par cette maladie, on observe les symptômes suivants :
la fréquence cardiaque s’élève très rapidement (elle peut doubler en trois secondes) et peut rester haute très longtemps. Les bronches sont dilatées et le patient est en hyperventilation (bien sûr, tout cela permettra une meilleure oxygénation tissulaire nécessaire pour une lutte acharnée) ;
la force de contraction musculaire augmente fortement (pour mieux combattre) ;
une hypertension artérielle est déclenchée mais uniquement à l’effort (le patient au repos a une tension artérielle normale) ce qui peut lui permettre de récupérer s’il n’est pas confronté à son prédateur ;
le foie libère rapidement du glucose provoquant une hyperglycémie (pour alimenter constamment les muscles en carburant et ainsi rester performant au combat).
Ces symptômes observés chez le malade atteint par un phéochromocytome sont donc ceux du combattant prêt à en découdre. Mais lorsqu’on doit livrer un combat contre un prédateur plus fort que soi, les adaptations biologiques doivent nous permettre de développer des aptitudes surhumaines.
Ainsi, dans le phéochromocytome, on retrouve de nombreux autres symptômes témoins de cette adaptation parfaite à ce combat de Titans :
La pupille se dilate, améliorant ainsi la vision nocturne car le combat risque d’être long ;
La paupière se relâche (ptose). Le regard peut ainsi se porter plus loin afin de prévenir le danger. Et si de la poussière venait à se soulever ou si l’on reçoit un jet de sable dans les yeux, la vision reste protégée et l’on ne combat pas en aveugle ;
La vessie se relâche, si bien que le patient peut ne plus retenir son urine. En quoi est-il vital d’avoir la vessie vide lors d’un combat ? Les amateurs d’art martiaux savent qu’un coup bien asséné sur une vessie pleine peut la faire éclater et entraîner la mort. Voilà pourquoi, face à une très grande peur, nous pouvons nous uriner dessus ;
Au niveau rénal, on observe une diminution de la filtration. Cette insuffisance rénale est aussi une solution gagnante lorsque l’on est traqué. En effet, éliminer moins d’urine, c’est économiser de l’eau. Je ne suis plus alors obligé de m’arrêter à un point d’eau, lieu de tous les dangers, car quand l’animal boit, il perd de la vigilance et s’expose à une attaque surprise ;
Au niveau sanguin, on observe une augmentation des globules rouges et une capacité plus grande à coaguler (sang moins fluide). En cas de blessure, cette adaptation permet de limiter l’hémorragie ;
Perte de poids due à une forte lipolyse. Le corps brûle les graisses, c’est-à-dire les réserves inutiles afin d’alléger le corps pour améliorer la mobilité et fournir à l’organisme un maximum d’énergie ;
Les glandes sudoripares associées aux glandes apocrines sécrètent beaucoup de sueur. Cette dernière se caractérise par son épaisseur, sa teneur importante en corps gras, cholestérol et en acides gras. La peau du patient peut devenir alors particulièrement visqueuse. Comme le lutteur qui s’enduit d’huile ou la truite qui suinte lorsqu’on la sort de l’eau. Le sens de ce symptôme est de devenir insaisissable et d’échapper ainsi plus facilement à l’emprise du prédateur. De plus, ces sécrétions sont souvent malodorantes. L’odeur est une information envoyée au prédateur : « le combat va être rude et toi aussi tu vas souffrir ».
L’étude par Gérard Athias de la généalogie d’un de ses patients atteint de cette maladie a pu mettre en évidence un père bagarreur et, du côté de la mère, des oncles ayant fait la guerre lors du débarquement de Normandie. Mais c’est au niveau d’un grand-père que la programmation du conflit fut la plus marquée. Toute sa vie, celui-ci a chassé l’ours dans les forêts canadiennes. Il s’entraînait en limitant sa consommation d’eau. Il savait que s’il ratait sa cible ou s’il se faisait rattraper, l’ours le tuerait. Il s’agissait bien de livrer à chaque fois un combat titanesque dont la seule issue était de « vaincre ou mourir ».
S’il y avait un mot guérisseur pour ce conflit, ce serait le courage !
A travers ce syndrome, on comprend que l’organisme dispose en lui de toutes les mémoires biologiques archaïques qui font de nous des êtres merveilleusement adaptables.

Jean-Brice Thivent

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