LES DEUILS DIFFICILES

Faire le deuil après le décès d’un proche peut être difficile, particulièrement lorsqu’il s’agit de nos parents : mais faut-il encore savoir pourquoi. Car en plus de ce que nous savons déjà au sujet des différentes étapes du deuil, il me semble qu’au moins deux pièges « bio-logiques» peuvent nous empêcher de faire sereinement cette démarche. En effet, dans certains cas, le décès d’un proche peut induire des peurs archaïques très profondes et surtout parfaitement inconscientes. De ce fait, alors que nous croyons être seulement confrontés au deuil, au chagrin, au manque de l’autre, nous sommes en réalité, sans le savoir, complètement paralysés par la peur au plus profond de nous.

l’Insécurité

Le cas de figure le plus intense et aussi le plus fréquent se produit au décès d’une personne qui, au plus profond de nous et sans qu’on le sache vraiment, est considérée comme la « Grande Protectrice» ou le « Grand Protecteur» depuis notre petite enfance. C’est un peu comme si rien ne pouvait nous arriver tant que cette personne est en vie. Du fait de sa disparition, nous nous sentons soudain viscéralement en danger, dans une profonde insécurité, comme seuls au monde, livrés à nous-mêmes. Et c’est d’autant plus difficile à objectiver quand on est adulte, bien installé dans la vie et en sécurité matériellement. D’une manière ou d’une autre, nous sommes tous (ou presque) confrontés à cette problématique à un moment de notre vie. Bien sûr, pour la plupart d’entre nous, la personne protectrice est la mère (le plus souvent) ou le père (très fréquemment). D’ailleurs, on peut constater que le deuil est toujours plus difficile à faire pour l’un de nos deux parents, plus que pour l’autre. Je ne citerai pas d’exemple particulier pour illustrer ce point. Mais je peux témoigner que de nombreuses personnes à qui j’ai expliqué cela ont immédiatement changé de regard (au sens propre comme au figuré) et ont pu enfin poursuivre le processus du deuil beaucoup plus paisiblement puisqu’enfin libérées de cette peur viscérale. La personne protectrice peut  être  aussi une autre qu’un des deux parents, par exemple une grand-mère ou un grand-père, un oncle ou une tante, un frère ou une sœur, une nourrice, une employée de maison, une mère adoptive, etc. Cela dépendra finalement de la personne auprès de qui, dans notre enfance, nous pouvions toujours aller nous réfugier en cas de difficulté et auprès de qui nous nous sentions en sécurité.
Pour ne citer qu’un exemple : une femme bascule dans la dépression après le décès de son frère et de sa sœur à peu de temps d’intervalle alors même que le processus du deuil n’a pas posé de problème particulier après le décès de ses parents. Pourquoi ? Tout simplement parce que son frère et sa sœur étaient finalement ses parents : alors qu’ils n’avaient que onze et huit ans, ils ont complètement pris en charge leur petite sœur dès sa naissance, les parents étant très occupés professionnellement.

J’ai même rencontré le cas d’une petite fille de sept ans bloquée dans cette insécurité profonde après le décès… du chien. Il se trouve que l’animal était une femelle Boxer infiniment maternelle et très protectrice envers l’enfant depuis toujours. A son décès, la petite s’est sentie soudain en danger puisque n’étant plus sous la protection de l’animal.

Bien évidemment, pour une femme, le décès de son compagnon pourra poser le même problème, proportionnellement à l’intensité de son stress. Dans ce cas, la mort du conjoint induira cette insécurité profonde puisque, archaïquement, l’homme est le protecteur et le chasseur : le cerveau considère alors que la situation est critique. Cela dit, le décès d’une compagne pourra aussi induire de l’insécurité chez un homme : n’en doutons pas.

La culpabilité

Le deuxième piège n’est pas le plus fréquent mais il peut aussi nous bloquer durablement. Cela se produit lorsque, pour une raison ou pour une autre, à tort ou à raison, on se sent responsable de la mort de l’autre.C’est par exemple le cas d’une dame qui reste bloquée après le décès de sa vieille maman, non pas du fait du deuil à proprement parler, mais parce qu’elle se sent responsable : la vieille dame est morte de déshydratation durant la canicule de 2003 et sa fille se reproche depuis de ne pas avoir assez veillé sur sa mère.

C’est aussi le cas d’un père de famille qui, pour les vacances de Noël 2004, a voulu offrir des vacances de rêve à sa femme et ses trois enfants… à Phuket, en Thaïlande. Le tsunami est passé et cet homme est rentré en France avec quatre cercueils. Depuis, il se reproche de ne pas avoir pu sauver les siens au moment de la catastrophe et surtout, d’être responsable de leur mort puisqu’étant l’instigateur de ce voyage.

Ce piège est encore plus pernicieux lorsque la personne dont il faut faire le deuil s’est suicidée. On peut se reprocher de ne pas avoir perçu son mal-être ou de ne pas l’avoir assez soutenue. Bien sûr, la culpabilité sera d’autant plus forte si on pense que l’autre s’est suicidé à cause de nous.

Cela dit, au-delà de situations aussi dramatiques, il faut parfois peu de chose pour se sentir coupable dans cette circonstance : par exemple de regretter de n’avoir pas été assez proche du parent décédé ; de se reprocher ne pas avoir eu le temps de lui dire combien nous l’aimions ; ou plus simplement de ne pas avoir été présent à l’instant de son dernier souffle.

Quant à savoir pourquoi la culpabilité empêche de faire le deuil, c’est finalement assez simple à comprendre : pour notre cerveau archaïque, le ressenti de culpabilité sous-entend qu’une faute a été commise et donc qu’une sanction est imminente. Evidemment, plus la culpabilité est forte, plus cette peur de la sanction est intense.

Il faut savoir que dans la nature, la sanction (en termes de rejet ou de violence) peut être mortelle. De ce fait, notre cerveau archaïque considère cette éventualité comme une situation absolument critique.
En conclusion
Il est utile, voire indispensable, de ne pas nous faire piéger sans le savoir par une de ces peurs après le décès d’un proche pour nous éviter d’avoir deux problèmes à gérer au lieu d’un seul (ou éventuellement trois si on cumule) : le chagrin bien naturel dans cette circonstance + une peur parfaitement inutile.

Laurent Daillie

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