Les sports de longévité

Les sports de longévité
Yves Rasir

Vous savez que j’adore les synchronicités, ces curieuses coïncidences qui semblent défier les lois du hasard et qui sont porteuses de sens pour ceux qui les vivent. Il y a quelques semaines, j’ai décidé de me remettre au tennis et je me suis inscrit au club de mon village. Avec la fin de la saison de foot, je sentais que mon corps commençait  un peu à rouiller et que j’avais besoin de pratiquer un autre sport durant l’été. Or le jour même où j’ai réservé un terrain pour échanger des balles avec mon ami Bernard Tihon, auteur de la tétralogie Le Sens des Maux, je suis tombé sur cet article de journal pour le moins motivant. En résumé, cette brève enquête explique que le tennis est l’activité de loisir la plus saine que l’on puisse choisir car elle augmente l’espérance de vie de manière significative.

Pour la faire longue, montez sur un court

C’est du moins la conclusion d’une étude américaine parue en 2018 dans Mayo Clinic Proceedings. Elle a comparé les activités sportives de 9.000 Danois pendant 25 ans avec leur taux de mortalité et a découvert que les joueuses et joueurs de tennis vivaient nettement plus longtemps que les autres. Ceux qui montent régulièrement sur un court prolongent leur vie de 9,7 ans en moyenne ! Le tennis est suivi à bonne distance par le badminton (6,2 ans), le football (4,7), le cyclisme (3,7), la natation (3,4), le jogging (3,2), la musculation utilisant le poids du corps (3,1) et l’entrainement dans un club de fitness (1,5). Ce qui est très intéressant, c’est que le gain de longévité n’est pas corrélé avec la durée de l’activité.  C’est même ceux qui lui consacrent le plus de temps, à savoir les adeptes de la salle de sport, qui présentent la plus faible augmentation de l’espérance de vie. Autrement dit, le tennis et les autres sports de raquette (badminton, squash, paddle…) ont un effet tellement rajeunissant qu’il n’est pas nécessaire de les pratiquer quotidiennement. C’est déjà ce qu’avaient découvert des chercheurs australiens dont l’étude a été publiée en 2016 dans le British Journal of Sports Medicine. Il s’agissait d’une méta-analyse de 11 études couvrant un échantillon de plus de 8.000 personnes suivies pendant 9 ans. Elle montrait que par rapport aux sédentaires, le risque de décès toutes causes était inférieur de 28% chez les pratiquants d’un sport de raquette, et que la mortalité par causalité cardiovasculaire était diminuée de 41% chez les joueurs de tennis. Les imitateurs amateurs de Nadal et Federer auraient donc plus de chances de vivre centenaires ? Tout porte à le croire puisque les pros du tennis font manifestement de vieux os. Selon ce rapport britannique de 2021, les sportifs de haut niveau  vivent en moyenne 13% plus longtemps et les tennismen encore davantage. Les anciens finalistes de Wimbledon ont une espérance de vie 36% plus élevée que les hommes de même âge ! Dans le livre « Décider de son âge » qui vient de sortir, le biologiste français Jean-Marc Lemaître souligne lui aussi combien l’exercice physique et la pratique régulière d’un sport sont des passeports de longue vie.

La clé de l’intensité

Mais pourquoi les sports de raquette sont-ils si bénéfiques pour la santé ?  Les scientifiques avancent deux explications qui me séduisent beaucoup. La première est que ce sont des passe-temps propices aux interactions sociales.  Pas seulement avec les partenaires de jeu mais aussi avec les autres membres du club. Dans celui de mon village, où le sens de la convivialité est très développé, le comité organise chaque dimanche un apéro en plein air si le climat le permet. Et comme par hasard, il est beaucoup plus compliqué de réserver un terrain le dimanche matin que le samedi. L’autre explication qui me plaît énormément, c’est que le tennis est un sport complexe qui exige une communication constante entre le corps et l’esprit. Il ne suffit pas de courir après les balles, il faut sans cesse prendre des décisions et réfléchir à la vitesse de l’éclair pour surprendre l’adversaire. Slicer ou frapper fort ? Laisser rebondir ou monter au filet ? Viser à gauche ou à droite ?  Selon les experts, cette connexion psychosomatique permanente est aussi ce qui éclaire les bienfaits de la danse.  Des études ont montré que les hommes et les femmes qui s’adonnaient régulièrement à la danse vieillissaient plus lentement et vivaient plus longtemps, notamment parce que leur meilleur sens de l’équilibre réduit les risques de chute. Tout comme la danse, les sports de raquette stimulent la plasticité neuronale et ont un effet positif sur les performances cérébrales. Mais pour séduisantes qu’elles soient, ces explications « psy » ne suffisent pas. Le tennis et les autres sports de raquette ont pour spécificité de multiplier les efforts brefs et intenses, les sprints répétés et les déplacements rapides sur de petites distances.  Or c’est précisément cette intensivité qui procure un avantage majeur et qui est recherchée par les sportifs professionnels. Dans toutes les disciplines, l’entraînement dit « fractionné » (courtes séances intenses plutôt que longues heures d’endurance) permet de travailler cette explosivité profitable à la santé. Ça ne veut pas dire que les activités plus paisibles sont infructueuses. Dans la revue Néosanté de mai, nous résumons une étude montrant que de simples étirements suffisent à stabiliser la glycémie et à éloigner ainsi le risque de diabète. Dans notre numéro de juin, nous évoquons une autre recherche indiquant qu’un simple exercice isométrique (le wall squat, c’est-à-dire s’appuyer contre un mur en position faussement assise) permet déjà de normaliser la tension artérielle. Toutes les activités physiques sont bienfaisantes mais le tennis est tellement complet qu’il cumule de nombreux bienfaits. L’intensivité est sans doute son principal atout santé.

La testostérone, hormone de jouvence

Les mécanismes physiologiques impliqués sont, eux aussi,  divers et variés. Sous la plume de ses chroniqueurs naturopathes, le mensuel Néosanté a déjà plusieurs fois expliqué que le sport intensif stimule l’autophagie, autrement dit le processus par lequel la cellule recycle  ses déchets et évacue les débris. Avec le jeûne, l’activité physique « cardio » (celle qui sollicite le cœur et fait suer)  est le plus sûr moyen naturel de favoriser le mécanisme autophagique. Celui-ci est indissociable de l’oxygénation cellulaire et du fonctionnement optimal des mitochondries, ces vestiges de bactéries qui assurent la survie de la cellule et l’alimentent en énergie. Comme de bien entendu, les exercices aérobiques sont les meilleurs fournisseurs d’oxygène à l’organisme et il n’est pas nécessaire de recourir à des produits comme l’ozone ou le dioxyde de chlore pour obtenir cet effet profondément oxygénant. Dans la rubrique « Santéchos » de notre périodique, nous avons également souvent relevé l’impact du sport sur le microbiote. Le premier modifie la composition du second et en augmente rapidement la diversité, ce qui influe positivement sur la santé globale. Avec le changement d’alimentation et la prise de probiotiques, l’activité physique est le plus sûr moyen de bonifier naturellement sa flore intestinale. Il ne faut pas négliger non plus le rôle prépondérant de la testostérone. Dans Néosanté, notamment dans un article du numéro 72 (novembre 2017), nous avons maintes fois insisté sur l’importance primordiale de cette hormone. Selon une étude récente, les hommes qui secrètent le moins de testostérone sont aussi ceux qui courent le plus grand risque de décès prématuré, et en particulier suite à des maladies ou accidents cardiovasculaires. Or pour aider notre système endocrinien à produire de la testostérone, il importe de faire bouger le corps avec suffisamment d’intensité et de régularité. Pour les femmes, il y a évidemment l’inconvénient que cette hormone « mâle » aura tendance  à estomper les signes de féminité. (Entre parenthèses, cela peut expliquer que l’homosexualité soit notoirement plus répandue chez les sportives professionnelles que chez leurs homologues masculins, vu que cette orientation sexuelle découle en partie de l’imprégnation hormonale durant le séjour utérin). Mais pour subir ses désavantages virilisants, il faut pratiquer un sport intensif à très haute dose durant une longue période, ce qui n’est évidemment pas le cas de la commune des mortelles. Via la pratique sportive, la testostérone est un moyen sûr et naturel de prolonger son séjour sur terre et d’y rester en bonne santé.

Le sport, anticancer hors-pair

Il en va tout autrement des versions synthétiques de la testostérone, les stéroïdes anabolisants. Consommés en grandes quantités, ils vont abréger la vie en générant des pathologies cancéreuses. Ce n’est pas par fatalité que les tumeurs testiculaires surviennent fréquemment chez les praticiens de disciplines gangrenées par le dopage comme le cyclisme, le culturisme ou l’haltérophilie. Puisqu’on parle de sport et de cancer, je vous rappelle ici le défi que j’ai lancé il y a déjà une dizaine d’années : me trouver un seul sportif ou une seule sportive qui soit décédé de cette maladie pendant sa carrière. On trouve bien sûr des athlètes de profession qui reçoivent un diagnostic de cancer durant leur vie active. On en trouve aussi qui meurent du cancer après avoir raccroché. Mais à ma connaissance, aucun sportif de métier n’a jamais été terrassé par le crabe entre le début et la fin de sa carrière. Ceux que le cancer surprend durant celle-ci supportent mieux les traitements et guérissent systématiquement, probablement grâce aux mécanismes évoqués ci-dessus. Il y a dix ans, un de mes amis journaliste m’avait déniché un obscur joueur de water-polo néo-zélandais décédé du cancer alors qu’il nageait encore la veille du verdict médical.  Mais c’est aussi une discipline où on se charge volontiers en anabolisants et c’était l’exception confirmant la règle. Y en-a-t-il d’autres  ?  Je relance le challenge et je serai curieux de savoir si un sportif ou une sportive professionnel(le) est mort(e) du cancer durant la décennie écoulée. En toute hypothèse, et c’est aussi une information largement diffusée dans Néosanté, le sport à haute intensité n’est pas seulement un outil de prévention très efficace. Il possède également des vertus curatives et il est de plus en plus prescrit pour éviter les récidives.  Selon les chiffres officiels, l’activité physique régulière diminue de 28% le risque de décès par cancer et de 39% celui par décès colorectal. Il va de soi que les « sports de longévité », et le tennis en particulier,  contribuent amplement à cette victorieuse protection. Lorsque Bernard et moi quittons le court, fourbus mais légèrement euphoriques en raison de la sécrétion d’endorphines, nous plaisantons volontiers sur les semaines de vie gagnées. Et puis nous allons boire une bonne bière bien méritée. À la nôtre ! Et à la vôtre ?

Yves Rasir

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Un commentaire

  1. Je ne sais pas si la pratique du tennis de table allonge la vie mais elle fait exercer de la gymnastique, surtout quand on y inclut le ramassage des balles par terre. Physiquement, c’est donc assez complet et fatigant, même s’il n’y a pas de course. Mais mentalement aussi, c’est assez bénéfique. La concentration sur la balle permet de déconcentrer le cerveau du reste selon un effet hypnotique qui fait dire à certains praticiens que quand ils jouent au ping-pong, ils oublient leurs soucis. C’est aussi le cas quand on suit un match de tennis. D’ailleurs, dans les services psychiatriques, il y a souvent des tables de tennis de table. C’est plus facile à installer qu’un terrain de tennis et la pratique peut se faire en toute saison, même sans une tenue vestimentaire sportive.

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