Tous les médias en ont fait état : avant-hier, le Prix Nobel 2016 de médecine a été attribué au Japonais Yoshinori Ohsumi. Ce biologiste de 71 ans, professeur au Tokyo Institute of Technology, est ainsi récompensé pour les recherches qu’il mène depuis près de 30 ans sur l’autophagie. L’autophagie ? Ce terme a été inventé il y a un demi-siècle par un autre savant ayant reçu le Nobel, le Belge Christian de Duve. Il désigne le phénomène par lequel la cellule dégrade et recycle ses propres composants. Du grec « auto » (soi-même) et « phagein » (manger), c’est à proprement parler la capacité des cellules corporelles à se manger elles-mêmes, à digérer le cytoplasme et les protéines qui les constituent. Pour quoi faire ? Non pour se suicider mais au contraire pour assurer leur survie. C’est en effet un mécanisme de défense ancestral, un processus cellulaire grâce auquel l’organisme peut faire face aux deux menaces vitales principales, les infections et le manque de nourriture. En recyclant en lui-même tout ce qui peut l’être, un être vivant peut ainsi rester en vie plus longtemps. Yohsinori Ohsumi a élucidé les étapes du processus et a identifié la quinzaine de gènes impliqués dans son déroulement. Selon ses pairs, son Prix Nobel est mille fois mérité.
Car au-delà de leur intérêt scientifique, les travaux du biologiste japonais revêtent une importance énorme sur le plan médical. Dans d’autres laboratoires, on a en effet découvert que le cannibalisme autophagique permet à un individu de demeurer en bonne santé. Chez l’animal, ce mécanisme a déjà montré qu’il protégeait de plusieurs maladies comme le cancer, de certains processus inflammatoires ou encore de la résistance à l’insuline. Chez l’être humain, l’autophagie apporterait aussi une solide protection contre les troubles métaboliques. En intervenant également dans la dégradation des lipides, elle contribuerait à empêcher l’installation du diabète et de l’obésité. D’autres travaux ont mis en évidence ses vertus immunostimulantes, anti-oxydantes et protectrices contre les maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson…). Oshumi a d’ailleurs prouvé que l’inactivation de certains gènes de l’autophagie entraînait la dégénérescence neuronale chez des modèles animaux. En Belgique, une équipe universitaire vient de se distinguer en révélant comment l’autophagie peut faire mourir une tumeur ou, à l’inverse, profiter aux cellules cancéreuses. L’étape suivante est de mettre au point des médicaments permettant de réguler l’autophagie et de soigner ainsi de nombreuses maladies.
Mais pourquoi miser sur la chimie pharmaceutique alors qu’il existe un moyen très simple de stimuler le fonctionnement autophagique ? Comme le mot l’indique, ce mécanisme conduit le corps à se manger littéralement lui-même. Non pas de manière anarchique et destructrice, mais en favorisant la régénération cellulaire, l’homéostasie et le processus d’autoguérison. Dans leurs articles respectifs de la revue Néosanté n° 22 d’avril 2013, notre collaborateur naturopathe Jean-Brice Thivent et notre expert en paléonutrition Yves Patte expliquaient que cette autolyse intelligente et ordonnée (le corps se déleste d’abord de l’inutile) est l’un des bénéfices notoires du jeûne. Dans la nature, les animaux s’arrêtent spontanément de s’alimenter lorsqu’ils sont malades ou blessés. Depuis des millénaires, avant même Hippocrate, l’être humain expérimente les bienfaits de la frugalité, des monodiètes ou du repos digestif complet. Et depuis quelques décennies, la naturopathie traditionnelle a fait du jeûne thérapeutique un des outils majeurs de son approche. Bref, la médecine naturelle n’a pas attendu le Nobel 2016 pour tirer parti de l’autophagie, et la récompense attribuée lundi est en quelque sorte une validation d’un de ses préceptes fondamentaux : ne plus se nourrir pour s’autoguérir. En affamant des levures et des rongeurs pour en observer les instincts autophages, Yoshinori Ohsumi n’a jamais fait qu’enfoncer une porte ouverte depuis belle lurette ! Mon professeur en naturopathie, André Passebecq, recommandait particulièrement la pratique du jeûne en cas d’épisodes infectieux et fiévreux. Dans ma vie personnelle, j’ai vérifié à maintes reprises que cette technique marchait du feu de dieu pour faire reculer et même anéantir les infections. La semaine dernière encore, ma dentiste m’a prescrit des antibiotiques parce que la dévitalisation d’une dent et le traitement de sa racine allaient probablement entraîner la formation d’un abcès. Et de fait, je me suis réveillé le lendemain matin avec une belle « chique » bien douloureuse. Trois repas sautés plus tard, ma gencive était déjà dégonflée et la douleur évacuée. Après 48h d’abstinence alimentaire, l’attaque microbienne avait totalement cessé sans l’appoint des médicaments antibactériens….
Il est vrai qu’entretemps, j’avais également recouru à une autre façon de favoriser l’autophagie, à savoir le sport intensif. En jouant, comme chaque semaine, au minifoot avec des gamins de 20 ans qui m’obligent à galoper derrière la balle, j’ai sans doute donné le coup de grâce à mon infection dentaire. Car avec le jeûne, l’exercice intense constitue assurément une bonne manière de stimuler l’autoguérison. Tout comme la restriction alimentaire, l’activité physique est de plus en plus étudiée pour ses effets autophagiques chez les souris de laboratoire. Pas par amour du sport évidemment, mais parce que les firmes pharmaceutiques rêvent de pouvoir un jour manipuler les gènes impliqués dans le processus et de trouver une molécule qui le reproduirait artificiellement. Bientôt un ersatz médicamenteux pour les sportifs fictifs ? Du jogging en gélule ou des pilules de fitness ? Du sport en pot chez les apothicaires ? On n’en est pas là, heureusement, d’autant que les chercheurs ont découvert le côté paradoxal de l’autophagie qui peut, de façon assez énigmatique, réprimer un cancer installé ou, au contraire, faire flamber une tumeur. Tant qu’elle n’examinera pas sérieusement les lois biologiques du Dr Hamer, la médecine a peu de chances de déjouer un jour cette ambivalence pro- ou antitumorale. Celle-ci atteste que l’autophagie ne sera jamais une panacée dispensant d’investiguer la causalité psycho-émotionnelle des maladies. Le corps n’a pas la solution si l’esprit demeure empêtré dans ses conflits.
Il n’empêche que les bénéfices anticancereux du sport intensif sont désormais bien démontrés. Dans Néosanté, on vous relate régulièrement les études qui en confirment les vertus. Grâce à l’autophagie ? Ce serait parfaitement logique. Il y a quelques mois, dans un éditorial, j’avais lancé aux lecteurs le défi de me trouver des noms d’athlètes professionnels morts du cancer pendant leur carrière sportive. J’ai reçu deux noms – un joueur australien de waterpolo et une barreuse (praticienne d’aviron), australienne elle-aussi – dont l’activité sportive intensive n’a apparemment pas empêché le développement d’un cancer fatal. Ce sont des exceptions qui confirment la règle, car les autres noms qu’on m’a donnés sont ceux de sportifs pro dont le diagnostic et le décès par cancer se sont produits APRÈS qu’ils aient mis un terme à leur carrière, parfois plusieurs années après. Et dans les deux cas exceptionnels, le verdict médical avait malheureusement poussé les athlètes à cesser tout entraînement pour suivre leurs traitements. Donc, je peux me permettre d’être encore plus affirmatif dans la formulation de mon hypothèse selon laquelle on ne meurt pas du cancer si on pratique un sport intensivement. Couronnées par le Nobel de médecine, les recherches sur l’autophagie pourraient éclairer cette fabuleuse action protectrice. Et par ricochet, Ohsumi et ses confrères pourraient mettre en lumière que la plus grave des maladies peut à tout le moins se contrôler par la pratique du jeûne et/ou par celle d’une activité physique soutenue. Le futur donnera alors raison aux médecines les plus sages, celles qui font appel aux forces de la nature.